Être la fille qu'il sautait de temps à autre, la fille à laquelle il accordait son attention en privée. Elle aimait ça.
Lorsqu'elle s'éveilla, un bras enserrait sa taille. Elle était à moitié couverte par les draps, couchée sur le flan, tournant le dos à un garçon qu'elle ne connaissait que trop bien. Un vague sourire étira ses lèvres. Ils avaient passé une excellente soirée, la veille. Dans le genre retrouvailles, Hannah trouvait ça parfait. Il s'était écoulé trois mois depuis qu'ils s'étaient disputés. Elle avait encore dans l'oreille l'accent avec lequel il lui avait lâché qu'il n'en avait rien à foutre qu'elle soit avec cet abruti d'anglais ─ his words, not hers ─ et que, de toute façon, elle reviendrait puisqu'elle était incapable de se passer de lui. Certes, c'était plus ou moins vrai mais c'était plus qu'agaçant à entendre. Et, après tout, quel droit avait-il sur elle ? Ils n'étaient rien, il l'avait dit à maintes reprises. Elle n'allait pas l'attendre toute sa vie. Non, elle avait juste mis trois mois à mettre sa fierté de côté, à larguer Peter et à revenir vers Gabriel. Ce qu'elle faisait toujours, shame on her.

Elle soupira et s'étira. « Courbatures ? » demanda-t-il, manifestement réveillé et ce, depuis un certain temps. Hannah se mordit la lèvre inférieure pour s'empêcher de sourire. Officiellement, elle détestait quand il jouait les étalons prétentieux. Officieusement.. elle trouvait ça tout à fait craquant. « Disons plutôt que j'ai mal dormi » rectifia-t-elle en se tournant vers lui. Gabriel avait ce sourire amusé qui disait clairement qu'il n'était pas dupe. « Je t'avais bien dit que ton anglais ne t'apporterait rien de bon, souffla-t-il avant d'effleurer ses lèvres, la preuve, tu as l'air encore essoufflée » ajouta-t-il, manifestement ravi. Elle leva les yeux au ciel mais ne put s'empêcher de rire. Elle se sentait bien, ce matin. Il était gentil et avait l'air plutôt.. heureux. Ça n'arrivait pas souvent. Et c'était foutrement agréable.

La porte de sa chambre s'ouvrit sur Léo. L'idée qu'elle puisse être en bonne compagnie ne l'avait apparemment pas effleuré. Il ne frappait jamais d'ailleurs. C'était là l'un des inconvénients à vivre avec son frère. « NANAAAA, c'est─ oh, pardon, s'interrompit-il en croisant le regard de sa sœur, je.. je voulais juste te rappeler qu'on a rendez-vous ce matin » ajouta-t-il en détournant le regard. La petite brune se mordit l'intérieur de la joue, sachant très bien ce qu'il devait penser en cet instant. Elle ne lui pas encore dit pour Peter. « Je vous laisse hein. Mais bouge-toi » lança-t-il avant de claquer la porte en sortant. Elle se redressa, serrant le drap sur sa poitrine. Bon sang, pourquoi entrait-il toujours sans frapper ? Il avait beau être son frère et l'aimer autant qu'elle, elle l'aimait, il devait sans doute la prendre pour une traînée. Il fallait qu'elle lui dise pour Peter.

Les doigts de Gabriel courraient le long de sa colonne vertébrale. Soupirant, Hannah baissa les yeux pour le regarder. « Désolé » lâcha-t-il. Elle fronça les sourcils. De quoi était-il en train de s'excuser ? Elle lui adressa un regard interrogateur. « La prochaine fois, j'insisterai vraiment pour qu'on aille chez moi et pas ici » continua-t-il avec un grand sourire. Crétin. Elle le repoussa gentiment contre son oreiller lorsqu'il chercha à l'embrasser. « Imbécile » marmonna-t-elle en attrapant son peignoir qui traînait là. Elle se leva, gagna la fenêtre dont elle écarta un pan du rideau, histoire de jeter un coup d'œil dehors. Il la rejoignit. « Tu sais très bien qu'il y aura une prochaine fois, murmura-t-il contre ses cheveux, et j'en suis très heureux d'ailleurs » Choquée, Hannah redressa la tête pour le regard. Il ne souriait pas, attendant sa réaction. Les dents plantées dans la lèvre, elle soupira. Oui, elle le savait. Il y avait toujours une prochaine fois. Elle se contenta de hausser les épaules. Ne pas lui montrer combien elle était contente d'entendre de pareils mots. Ne jamais le montrer. Ou il fuirait. Et c'était la dernière chose qu'elle souhaitait. Hannah était capable de supporter cette situation. Être la fille qu'il sautait de temps à autre, la fille à laquelle il accordait son attention en privée. Elle aimait ça. Gabriel n'était pas le genre de type qui s'engluait ─ his words, not hers again ─ dans une relation amoureuse. Le moins qui pouvait être dit, c'est qu'elle non plus. Ses rares histoires étaient de véritables catastrophes. La faute à qui, hein ? Était-ce sa faute si chaque fois qu'elle passait un moment avec un homme, elle finissait par penser à lui ?
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